Tu as promis à Obsidienne que tu ne recommencerais pas. Tu as promis à Eve que tu serais sage. Mais que valent des promesses faites à un inconnu, à un autre élevé – surtout Eve? Que valent les promesses, ici-bas, loin de la lumière du Soleil, de la Lune et des étoiles? À qui appartient ta loyauté, Sigismond?

À l'orée de la ville tu es une tour de silence. Ton regard porte loin, comme si tu tentais de déchiffrer le monde inconnu et vaste qui se déploie dans l'obscurité. Mais tu as l'oreille tendue surtout, à l'affut du moindre chuchot, du plus léger murmure.

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09.10
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– Ah, te voilà toi?

Tu accueilles le garçonnet d'un grand sourire en croissant de lune qui contraste avec la nuit que tu guettes.

– Merci pour le message, mais je ne m'attendais pas vraiment à le voir. Je sais qu'il est très occupé.

Tu jettes un dernier regard aux ténèbres, quelque chose passe sur ton visage (ce n'est ni une ombre, ni le miroitement d'une brume de chaleur) que tu chasses d'un haussement d'épaules.

– Comment vas-tu?

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Il répond à ta question par une autre question, comme toujours. Tu t'y attendais, à vrai dire tu n'y fais même plus attention. Tu as accepté l'étrangeté d'Onix, son aura d'anomalie. La réalité se tord autour de lui – à peine, mais c'est assez pour lui conférer une lumière particulière.

Tu t'apprêtes à lui fournir une réponse toute faite, un de ces lieux communs qui hantent les conversations aux Bains. Elle meurt sur tes lèvres.

– Disons que je voulais essayer de voir, ou d'entendre… D'explorer à ma façon.

Tu ne sais pas vraiment toi-même, n'est-ce pas? Tu as commencé à marcher, mécaniquement, maladivement, pour que la douleur t'accorde un peu de répit, et tes pas t'ont mené là de nouveau. La mention d'Obsidienne t'arrache un petit rire poli qui masque mal le venin sur tes crocs.

– Ah, ce cher Obsidienne… Si dévoué… Est-ce que je risquais vraiment quelque chose, au fond, ou était-ce simplement plus fort que lui?

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C'est douloureux à admettre, mais la proposition est tentante, n'est-ce pas? Quand Onix te lance ce défi tu peux sentir un long frisson te saisir par la colonne vertébrale et tirer. Le feu au fond de ton ventre ronronne, sa chaleur fait briller tes yeux et assèche ta gorge.

Tu as soif, Sigismond. Tu meurs de soif.

– Allons, si tu as envie de mes bijoux, il y a des façons moins macabres de les récupérer. Tu pourrais me demander, par exemple.

Une bague d'argent quitte ton annulaire pour se glisser au doigt d'Onix, tendu vers la gueule béante des souterrains. Tu as les mains fines, mais le bijou est comiquement large sur sa main d'enfant.

– Mais tu as raison, je suis bien sévère envers notre bon Obsidienne! Il m'a sauvé la vie, après tout, n'est-ce pas? Ça commence à en faire, du monde qui me sauve la vie.

Tu n'y penses plus, à ton corps froid entre les mains du recueilleur. C'est pourtant une image qui ne te quittait pas, avant.

– Simplement, je m'inquiète de la profondeur de son sens du sacrifice.

(Quelque chose te souffle que c'est un abîme sans fond.)

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Drôle de gamin. Tu n'as jamais su quoi penser de lui. Sa compagnie t'amuse autant qu'elle te met mal à l'aise et tu sens bien que la tienne ne lui plaît pas plus que ça. Il faut dire que tu ne sais pas t'y prendre avec les adolescents. Tu ne sais pas t'y prendre avec grand monde.

La caverne frissonne.

– Mais si j'arrête de m'inquiéter pour moi, il ne restera plus personne pour le faire.

(La caverne frissonne.)

– Bon. Je retourne aux Bains. Fais attention à toi, hm?

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