Like a cat on red bricks 〆IF-3.
Mais, là est un moment différent, où plusieurs choses le poussent à devoir se rendre à la forge. Oh, ça ne lui déplaît pas, au contraire - peu de choses lui déplaisent, à Lenne, à vrai dire. Alors, quand il y arrive, il ne lui faut qu’un coup d’oeil pour trouver la personne à qui il doit s’adresser.
Il n’attend pas qu’une réponse soit formulée, et il s’installe - comprendre là, s'asseoir et prendre ses aises, parce qu’après tout, depuis qu’il trime aux Bains depuis son réveil, c’est que ça lui fait un grand soulagement que de laisser reposer ses jambes. Son siège, c’est une sorte de caisse, qui doit sans doute servir à poser des outils, ou… où il sait pas, de toute façon, il a pris soin de ne toucher à rien de ce qu’il s’y trouvait dessus.
Pas de quoi de beau, pas de quoi de neuf, après tout, on vit tous en Ville, y a très peu de choses belles et neuves… Autant ne pas dépérir en y repensant encore, et encore.
C’est triste. Mais au fond, il ne regrette pas tant que ça, Lenne. Ça a beaucoup d’inconvénients, très peu d’avantages - même si ça a le mérite d’en avoir - mais un peu comme partout ici, à vrai dire.
Peut-être qu’au final, Lenne se retrouve plus à être allé à la forge histoire de taper une petite discussion qui lui enlèvera un peu toute la pression qu’il a accumulé depuis quelques cycles maintenant ; plus que pour vraiment venir faire ses petites emplettes.
La forge, pour IF-3, ce n’est pas seulement un métier. C’est un plaisir, une passion, un art. C’est devenu sa vie dès lors qu’écartée des Explorateurs pour sa découverte, on lui a laissé une infime chance de continuer à faire partie du groupe, à sa manière. Alors quand IF-3 forge, c’est en y mettant tout son cœur. C’est en donnant le meilleur de sa personne, car elle sait que ses armes sauveront de jeunes vies au-delà des frontières de la Ville et des Bains qui la surplombent.
Mais parfois, tout de même, …
« Bonjour If ! Dis-moi, ça dérange personne si je m’installe ici ? »
La voix de Lenne dans son dos lui évite de plonger plus en profondeur dans ses pensées. Avachie sur son enclume, elle redresse ses presque deux mètres en roulant des épaules.
Elle balaie l’atelier de ses yeux gris – un atelier tristement vide de monde. Ses rares apprentis ont tous fini par partir – pour devenir Explorateurs, pour les Bains, ou parce qu’ils n’avaient pas la force de persévérer dans la voie de la forge –, alors elle travaille seule, comme à son habitude. Naturellement, la question de Lenne lui tire un sourire désabusé.
Elle attend plus amples informations pour donner une réponse. Elle ne doute pas de ses capacités mais, par conviction (ou peut-être par méfiance), elle n’accepte jamais un travail à l’aveugle – même si celui-ci vient d’une personne de confiance.
Elle laisse sa création inachevée – une épée, dont la lame bleue rappelle les reflets que l’on peut voir des Bains depuis la Ville – sur l’enclume et pose son marteau au pied de celle-ci. Elle s’autorise une pause pour boire de bonnes grosses gorgées d’eau.
Il a le sourire narquois, Lenne. Oh, rien méchant, bien au contraire, c’est juste qu’il peut assez difficilement passer à côté d’une innocente petite provocation. Un jour, ça lui retombera dessus, c’est obligé. C’est même sans doute déjà arrivé, mais il n’y a sans doute pas vraiment prêté attention…
Et par la suite, il arrive à voir qu’il est parvenu à saisir l’attention de If, et alors ça, c’est un petit succès personnel. Ni une, ni deux, il saute de l’atelier où il s'était assit pour s’approcher de la forgeronne, et déballer devant eux deux tout un petit stock d’outils personnel.
En quelques mots, voilà ce que Lenne expose de son petit projet à IF-3. Il s’agit tout d’abord de retaper quelques-uns des outils qu’il utilise pour tanner ou coudre ; la plupart ont effectivement une allure plutôt fatiguée… Ca, c’est le premier point, le truc plutôt classique, et pour lequel il a déjà passé commande ici pour la même chose. Le second point est un poil plus complexe, puisque Lenne a réfléchi pour essayer de trouver comment innover un peu dans la qualité et le confort de ses créations. Il s’agit, en résumé, d’essayer de faire en sorte que le métal de certains outils ne soit ni de la même épaisseur, ni de la même inclinaison sur tout le bord de la lame, grosso modo dans l’idée de pouvoir rendre les cuir plus ou moins souple, ou plus ou moins travaillés. Il s’agit là d’une innovation personnelle, dans l’unique but de potentiellement faire des trucs plus qualitatifs, ou plus confortable.
Et si là, c’est résumé en un simple paragraphe, Lenne, il prend bien son temps d’absolument tout expliquer à IF-3, il en est tellement à fond et passionné, qu’il n’entendrait même pas si quelqu’un lui posait une question tant qu’il n’a pas terminé son explication…
Il se redresse, se tourne enfin son regard vers If, Lenne. Il n’a strictement aucune idée de sa réaction ; parce qu’après tout, il vient bien de lui demander d’inventer quelque chose qui n’existe pas encore… Bon, certes, c’est déjà un peu la base de son métier que de forger des trucs qui n’existent pas encore, mais disons que généralement, il y a toujours un modèle, ou alors c’est une reproduction… Là, c’est juste… Une idée sortie de sa tête.
Parce que le confort est un luxe auquel ils n’ont pas le droit en bas, Lenne cherche sans cesse à justifier ses actions. Où alors aussi à chercher d’autres arguments pour If ? Où alors les deux. Qui sait.
Il pense aussi soudainement au paiement, Lenne. C’est certain, ce n’est pas le genre de truc qui va être donné. Il réfléchit. Bleuenn lui doit de la bouffe - et encore plus puisqu’il doit le voir le lendemain pour lui fournir encore autre chose - il se dit qu’il pourrait s’en servir. Après tout, a-t il spécialement besoin de nourriture des Bains ? Dans les faits, oui, dans l’absolu, il l’a voit tellement tous les jours qu’il a fini par en être un peu dégoûté.
Et puis, s’il faut qu’il trime pour se payer tout ça, il trimera. A dire vrai, ça ne sera ni la première, ni la dernière fois que ça lui arrivera. Et dans les faits, ça ne le dérangera pas. Déjà, il fait ça pour lui, donc faire quelque chose quand il n’y a pas derrière la sensation d’obligation, c’est tout de suite plus motivant ; et dans un second point, au moins, il peut ainsi s’occuper l’esprit - justement en ne pensant à rien si ce n’est les commandes des clients des Bains - et dans sa situation actuelle, c’est qu’il en a un peu besoin, malheureusement…
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