@pnj | limites de la ville | 19.10

Du silence. C’est tout ce dont tu rêves. Alors au lieu de rentrer à la maison, auprès de ton père, tu as décidé de faire un détour là où personne ne peut ni te voir ni t’entendre. Là où tu peux briser le masque, aussi épais soit-il. Là où tu peux rêver, ou pleurer en paix.

Ce soir, tu as décidé de pleurer. Parce que ça te fait du bien, parce que tu en as besoin. Parce qu’il faut bien te libérer de tout ce poids dans ta poitrine, ces longues heures de travail acharné qui finissent véritablement par t’abîmer le cœur.

Ces gens-là ont ri de toi, tout à l’heure. Cela n’arrive que très peu, voire jamais - tu es aimée, tes sourires les animent, tu travailles bien, vite, tu es efficace. Toujours à l’écoute. Et toi, quand est-ce qu’on va t’écouter ? Tu veux vivre, Lys, vivre vraiment. Tous les jours, tu pries pour que quelqu’un te tende la main et t’emmène vers une vie nouvelle. Et tous les jours, tu fais de ton mieux.

Alors, haletante, tu ne prends pas la peine d’essuyer ces perles d’eau sur tes joues. Toi aussi, tu as le droit de craquer, de temps en temps. Ce n’est pas interdit, ce n’est pas honteux ; et pourtant, tu ne peux t’empêcher de te sentir bête, assise contre ce mur souillé, genoux repliés contre ton torse, les bras tout autour de ces derniers. Tu n’es pas fondamentalement malheureuse ; tu es capricieuse, ça oui, mais tu as juste besoin d’évacuer, pour le moment.

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Un géant, un homme encapuchonné trace sa route face à toi ; tu le suis curieusement du regard, tentant de déchiffrer sa nature, son rang. La gorge serrée, tu contiens tes gémissements avec brio, quand bien même tu ne parviens pas à stopper ces larmes qui trahissent ton état. Tu hausses discrètement un sourcil alors qu’il s’arrête pour t’observer.

Hésitante, tes lèvres se mettent à balbutier. Comment peut-il poser une question pareille ? La réponse est évidente, non ? Soudainement, elle te paraît bien moins évidente quand tu dois y répondre. Mais tu n’aimes pas qu’on te voit, tu préfères faire bonne figure ; bien qu’il soit un peu tard pour ça, tu relèves la tête, essayant tant bien que mal de dissimuler cette faiblesse déjà partiellement dévoilée. Il ne te reste qu’à masquer le mal d’un semblant de sourire, une habitude que tu as pris depuis que tu as commencé à travailler pour eux.

– Pas vraiment. Une mauvaise passe, j’avais… besoin de souffler.

Tu viens essuyer tes larmes, pudique.

– Et toi ? Tu passais par là ?

Curieuse, comme toujours. Tu préfères que l’attention se porte sur autre chose que toi et tes problèmes.

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Secret sur la raison de sa venue ici, il ne répond pas vraiment à ta question, ce qui a pour effet de piquer davantage ta curiosité. Alors que tu t'apprêtes à relancer quelque chose dans l’espoir d’obtenir un semblant de réponse, son attention pour toi te laisse sans voix.

Pourquoi as-tu l’impression de l’avoir déjà vu quelque part ?

– Oh… ne sachant que dire en premier lieu, tu te retrouves perdue ; il est rare que quelqu’un daigne s’intéresser à ton bien-être, t’écouter à leur tour. Peux-tu changer ma vie d’un claquement de doigts ? Un léger rire taquin, doux, s’échappe de tes lèvres rosées, je suis… juste fatiguée de celle-ci.

Un léger sourire subsiste sur ton visage. Quelqu’un d’autre aurait passé son chemin sans oser poser les yeux sur toi.

– Où vas-tu, si ce n’est pas indiscret ?

@pnj | limites de la ville | 19.10

Un bar, encore un. Tu as l’impression de ne faire que ça de ta vie. Mais finalement, ce n’est pas plus mal - à force, tu sais y faire. Il a toute l’allure d’un voyageur, d’un homme qui ne reste pas bien longtemps à un endroit précis ; un nomade, comme tu les appelles. Toujours à vagabonder çà et là ; ce sont eux, tes préférés. Ils ont toujours des histoires à raconter, aussi sombres et tragiques soient-elles, et n’ont jamais la prétention de te prendre de haut. Tu te trompes peut-être, mais c’est l’impression qu’il te donne.

Un silence, presque imperceptible, tu en viens à être perturbée par son visage de marbre. Il t’évoque le calme, l’absence d’agitation, tout ce dont tu as besoin à cet instant précis. Tu ne sais pas pourquoi, mais l’envie soudaine de saisir sa main se fait sentir. Il reste un parfait inconnu et tu pourrais très bien te retrouver en danger. Mais tu n’en as que faire, après tout. Il t’intrigue. Peut-être parce qu’il est l’une des rares personnes à avoir eu l’occasion de te voir comme tu es, sous tes grands sourires.

– Avec plaisir.

Tu n’abandonnes pas. De nouveau, tu lui offres un doux sourire. Il te paraît bien triste, lui aussi. Oublie un peu ta vie, l’espace de quelques heures. Laisse-toi le temps de respirer.

– C’est quoi, ton nom ?