Parmi tout ce qu’on peut trouver dans les différents étages des Bains, Lenne, le seul endroit qu'il connaît très bien, c’est le Nuage Doré. Pas qu’il n’ait jamais mis les pieds ailleurs - même si on peut considérer que si, puisqu’il ne serait presque pas y retourner sans demander juste une indication - mais disons qu’il n’a vraiment, mais alors vraiment, pas l’habitude d’aller autre part. Et bien, faut-il croire qu’aujourd’hui est son jour de chance (?) puisqu’il faut qu’il se dirige vers la Clinique (?).
Déjà pour commencer, excusez-moi, mais le principe d’une clinique, on peut lui expliquer ? Non, parce que généralement quand on se blesse, eh ben on essaye juste de mettre un linge - si possible propre - sur la plaie et de se contenter de surveiller… Et quand c’est un peu plus grave, on reste chez soit et on espère que ça passe. Enfin, qu’importe, là, Lenne, il a réussi à se blesser avec la vaisselle ; et, son responsable, avec un regard et un ton réprobateur lui a ordonné de se rendre à cette fameuse Clinique. Sur le moment, Lenne il a pensé avoir fait un truc très grave, alors, il n’a même pas essayé de l’ouvrir en disant que ça allait passer, et que c’était rien de plus qu’une coupure. Non, il a rien dit, il a juste attrapé un chiffon qui traînait là, et s’est laissé accompagner jusqu’à la Clinique. C’était un peu honteux comme trajet, il faut se l’avouer, il avait l’impression d’être un gosse dont le grand frère doit raccompagner jusqu’à la maison parce qu’il s’est perdu… Perdu ou parce qu’il a volé une pomme au verger, vous pouvez choisir ce que vous préférez comme image.
Et on l’a laissé planté là, devant une entrée, en lui lançant juste un “c’est là”. Et l’autre gars est parti. Ah ok… Super. Bon, il n’avait pas non plus spécialement envie qu’on l’accompagne tel un gamin, et au final, c’est plutôt tant mieux s’il se retrouve seul. Il s’avance dans la pièce, plutôt intimidé. Après tout, il n’a jamais mis les pieds ici, le lieu est rempli de standards qu’il n’aura sans doute jamais le luxe de juste toucher ; mais avant toute chose, est-ce qu’on va pas juste le juger d’être venu pour une coupure, hein ? Il sait que les Élevés ont des principes étranges, mais là… C’est juste une coupure - maudit soit celui qui s’est dit que c’était une bonne idée de laver le sol de la cuisine alors que le service n’était pas terminé - il peut toujours marcher, parler, courir, attraper des trucs… Bref, il y a rien d’urgent.
Alors bon, il s’avance, jusqu’à croiser le regard de quelqu’un, qui vient vers lui. Il explique ce qu’il vient faire ici, non pas sans adopter un ton légèrement intimidé et honteux ; tout en désignant - mais un peu aussi en cachant, je vous jure c’est tout un concept, la honte - sa main enroulée du chiffon légèrement ensanglanté. On lui dit de patienter, de s'asseoir en attendant. Il le fait, Lenne, il se pose, il soupire. Et il attend. Attendre quoi ?
(feels like) heaven
@LN-9 | clinique, bains | 30.09
On frappe à la porte de ton bureau alors que tu es supposé être en pause. Et ça a le don de t’exaspérer. Tu ne demandes pas grand-chose. Juste une petite dizaine de minutes de tranquillité. Juste le temps de te ressourcer. Mais le rythme des Bains est effréné. Que tu fasses la fête ou que tu travailles, tu n’as pas de temps. Tu gardes ton soupir et ta frustration pour toi. On t’explique qu’un jeune est là. Qu’il est blessé. Que c’est visiblement une coupure. Que non, la gravité n’a pas vraiment pu être estimée avec le linge qui la recouvrait. Les épaules qui se haussent finalement et toi qui te lèves pour aller chercher le dit patient. Tu veux évaluer de toi même s’il doit absolument passer maintenant, pendant ta pause et avant tes prochains rendez-vous, ou s’il peut attendre encore un peu.
Tu clignes des yeux quelques fois avec l’impression de voir trouble, d’halluciner. C’est que tu reconnaîtrais cette tignasse entre mille. Et c’est aussi que tu ne t’attendais pas vraiment à le voir ici. Enfin, dans les Bains, ce n’est pas si étonnant. Tu sais qu’il y travaille. Tu l’as déjà aperçu au Nuage Doré. Mais à la clinique ?
« Toi, ici ? » Tu demandes dans un sourire compatissant alors que tu prends délicatement sa main entre les tiennes pour observer. « Viens, on va te soigner ça. »
Tu l’entraînes dans ton cabinet. Le fait s’installer. Et c’est avec une minutie certaine que tu nettoies la plaie.
« Ce n’est rien de trop grave, tu devrais t’en remettre vite. Qu’est-ce que t’as foutu ? »
Il ne patiente pas bien longtemps, Lenne, avant que quelqu’un revienne le voir. Et… En fait, il n’avait aucune idée de quels genre de personnages on pouvait bien trouver dans une Clinique, mais, c’est vrai que maintenant qu’il aperçoit cette tête connue, eh ben ça fait tout sens oui. Il aurait du le capter bien avant, mais pour cette fois-ci, Lenne, il a capté quand l’évidence s’est pointée sous son nez.
C’est un mélange entre la surprise - une bonne surprise - la joie, et un peu aussi la honte. Mais bon, on passera sur les détails, Lenne s’est laissé retirer le chiffon - non pas sans le récupérer de la manière la plus discrète possible, au cas où on le lui redemande… Sinon, ça sera toujours un linge en plus, ça n’est jamais perdu, une fois qu’il sera lavé - et examiner sa plaie.
Mais bon, il le suit quand même dans une autre pièce, et Lenne, il reste coopératif même quand on lui nettoie sa plaie, non sans manquer d’afficher une grimace de douleur. Il relève les yeux, Lenne, et répond à la question de la manière la plus naturelle et spontanée possible.
Il ajoute à sa réponse, un petit haussement d’épaule. Une manière de dire que c’était là une blessure bien stupide, mais qui arrive plutôt fréquemment.
(feels like) heaven
@LN-9 | clinique, bains | 30.09
Tu ricanes, souris, grimaces, quand il t’appelle par ton prénom. Ton prénom d’Elevé. Pas par le matricule que l’on t’a attribué à la naissance. Pas par le surnom qui en a résulté. Et c’est mieux comme ça, tu imagines. Ça ne t’aurait pas particulièrement dérangé qu’il t’appelle Zef. Mais on n'est jamais trop prudent. Les Bains ont des oreilles. Et s’il peut s’éviter des ennuis, tant mieux.
« Ça fait bizarre d’entendre ce prénom dans ta bouche. » Tu fais quand même remarquer, sans attendre de réponse.
Tu t’affaires à désinfecter sa blessure. À appliquer un baume cicatrisant. Enfin, on n'est pas encore vraiment sûr que ce soit si cicatrisant. Un bandage sur sa main en guise de pansement. Et puis ça devrait être tout bon. Ça devrait faire le job.
« Je sais que ce n’est pas grand chose Lenne. J’ai des yeux, je le vois bien. » Tu souris. Tu souris toujours Myosotis. « Ils vont te la faire payer l’assiette ? T’as besoin de quelque chose ? »
Tu lui proposes de l’aider. Plus ou moins. Ce n’est pas gratuit. Rien n’est jamais gratuit. Mais avec toi, il aurait plus de temps pour rembourser, tu imagines. Disons que tu n’es pas autant à cheval sur les délais que certains autres par ici. Ce n’est ni de la charité. Ni de la pitié. C’est juste un service. Et qui sait, peut-être que tu auras besoin de lui demander de te retourner la faveur un de ces jours.
« Tu pensais que j’étais aux Bains juste pour me la couler douce ? » Tu ris.
Ce n’est pas le cas. Tu n’as pas le temps de te la couler douce. Tu ne te laisses pas le temps. Trop obnubilé par la science. Par la médecine. Par les corps.
« Je t’ai déjà croisé moi. Au Nuage Doré. M’enfin, j’ai préféré te laisser travailler. Et puis j’ai croisé Merzhin aussi. »
Lysq. Ça te brûle la langue de ne plus l’appeler ainsi. C’est l’habitude. Tes coudes sur le bureau. Tes mains jointes. Ton menton posé sur celles-ci.
« Je n’ai pas eu de nouvelles de Kat depuis quelque temps. Et de Nysis non plus. Je crois qu’il en a marre de ma tronche. Dommage que je sois persévérant. Ils vont bien ? »
Il y a fort à parier qu’il doive quelque chose d’ailleurs. Il sera sans doute beaucoup trop de services supplémentaires, histoire de compenser cette dramatique perte d’assiette - et de chiffon, rajoute une voix dans sa tête. Mais bon, Lenne note quand même la proposition qu’il lui a été faite, c’est toujours bon à prendre. On ne sait jamais. Heureusement, c’est que Myosotis redonne à l’atmosphère un quelque chose d’un peu plus joyeux.
Parce qu’il a cette belle image, Lenne, que tous les Élevés se ressemblent, et vivent tranquillement leur vie. Une douce vie qui lui fait envie. Mais en même temps pas totalement envie non plus ; c’est… C’est très bizarre comme sensation, en réalité. Le regard de Lenne s’illumine quand le nom de sa sœur est évoqué. Il y a tellement longtemps qu’il n’a pas pu lui parler en face.
C’est là quelque chose de commun, visiblement, pour ceux qui sont partis habiter aux Bains. Il soupire, Lenne. Il soupire. Et quand le nom de Kat est ensuite prononcé, il perd toute trace de joie. Les épaules s’affaissent, le regard se détourne.
Il repense à ce qu’il s’est passé. Aux nosférantes. A son frère, Nysis, qui semble être hanté par un quelque chose qui lui dit que Kat reviendra. Lenne, il est persuadé du contraire. On l’aurait retrouvé depuis, sinon, non ? De toute façon, les gardes sont bien trop occupés, surtout avec les derniers incendies. Ce n’est la faute à personne, Kat n’est plus, et c’est comme ça. Mais c’est douloureux. Lenne sent un énorme poids dans son cœur, un poids qui ne veut pas le lâcher.
Oh, Lenne, il ne veut pas pleurer, il ne veut pas supplier. Il est sur le point de le faire.
(feels like) heaven
@LN-9 | clinique, bains | 30.09
« Tiens moi au courant. Et n’hésite pas surtout. » Tu lui glisses simplement.
Tu te veux rassurant. Tu veux lui montrer qu’il peut compter sur toi. Que ça n’a pas changé. Que tu étais là pour lui quand il était petit. Que tu l’es toujours. Vous avez grandi, vieilli. Tu es parti. Vous ne faites plus partie du même monde. Même plus de la même société. Mais malgré tout, tu es là.
Ça te fait rire qu’il t’imagine te la couler douce. Ça te fait rire parce que ça n’a jamais été le cas. Ni en Ville. Ni aux Bains. Ce n’est pas un luxe dont tu peux te permettre. Ce n’est pas un luxe dont tu as envie. Tu aimes le travail. Tu aimes trimer. Tu aimes la recherche. Les expériences. La pression du résultat.
« Je ne la vois pas souvent non plus. Je n’ai pas trop le temps. Mais la dernière fois, elle allait bien ! »
Tu mens Myosotis. Tu mens parce qu’en réalité, tu n’en sais rien. Tu mens parce qu’en réalité, est-ce qu’une seule personne va bien dans ce bas monde ? Tu mens parce que t’as autre chose à faire que d’inquiéter un peu plus Lenne. Que d’inquiéter Nysis. Que d’inquiéter Kat.
Inquiéter Kat. Tu n’es pas au courant. Kat a disparu. Ton sourire se fige. Tu ris. Tu ris nerveusement. C’est une blague. N’est-ce pas ? C’est juste une putain de blague. C’est juste un ramassis de conneries. Kat n’est plus là. Kat est mort. Kat est mort. Tu détestes ce que tu ressens. Tu détestes ce poids qui grandit de seconde en seconde dans ton cœur. Tu détestes ce frisson glacial qui parcourt ta colonne vertébrale. Tu détestes la nausée, et la vue qui se brouille un peu. Tu détestes le mal. Et surtout tu détestes le ressentir.
« Putain… » Ta main qui se pose sur son bras d’un geste affectueux. « Putain je suis désolé Lenne. Je... Est-ce que je peux faire quoique ce soit pour vous aider ? »
Tu bredouilles tes mots. Ils ont du mal à sortir. Kat était ton ami. NR-4 était comme un frère. Comme NY-6. Comme LN-9. Comme Merzhin.
Alors, la réaction de Myosotis - de Zef - lui fait encore plus mal, à Lenne. Parce que pour la première fois, il a l’impression que quelqu’un n’en a pas rien à faire. Que quelqu’un se sent concerné. Mais après tout, c’est normal. D’aussi loin que remontent ses souvenirs, Lenne, il a toujours vu Zef en compagnie de ses deux grand frères. Pour lui, Zef représentait un peu le dernier maillon sur lequel il pouvait s’accrocher, quand il était petit. Peut-être même encore aujourd’hui, bien que ça se soit largement dissipé.
C’est la faute de personne. Où plutôt, c’est la faute de tout le monde ; mais, il est impossible d’accuser tout le monde, n’est-ce-pas ? Il pousse un soupir, l’air grave.
Il ne poursuit pas immédiatement sa phrase, Lenne. Est-ce qu’il veut vraiment demander ça ? Est-ce que Zef voudra seulement ? Un autre soupir. Demander un service, ce n’est pas quelque chose qu’il a l’habitude de faire, Lenne. Il sait qu’on a jamais rien sans rien. Il espère que pour cette fois, faire quelque chose pour un ami sera plus fort qu’autre chose. Au fond, Lenne n’en attend rien, mais s’il ne demande pas, il sait aussi qu’il n’aura jamais.
Je ne veux pas le perdre, lui aussi. Mais ça, se sont bien des mots qu’il se garde pour lui-même, Lenne.
(feels like) heaven
@LN-9 | clinique, bains | 30.09
Ce n’est pas de ta faute qu’il te dit. Ce n’est pas de ta faute mais tu ne peux t’empêcher de t’en vouloir. Et si tu étais resté ? Si tu n’étais pas parti sans te retourner il y a dix ans ? Si tu étais resté le petit médecin du quartier. Le troisième larron du groupe. Est-ce que tu aurais pu empêcher la disparition de Kat ? Est-ce que tu aurais pu empêcher sa mort ? Sans doute que non, pourtant tu ne peux t’empêcher d’y penser. Tu ne peux empêcher ton estomac de se tordre. Tu ne peux empêcher ta gorge de se serrer. Ça te tue de voir Lenne ainsi. Ça te tue d’imaginer Nysis dans un état encore pire. Ça fait mal.
Tu ne dis rien. Tu te tais. Tu attends sagement qu’il trouve ses mots. Tu es patient. Surtout, tu n’as aucune envie de lui mettre la pression. Ce n’est pas le moment. Ni pour lui, ni pour toi. Alors tu attends. Et quand il t’expose finalement sa requête, c'est un sourire doux, triste, rassurant, qui se dessine sur tes lèvres. Comment pourrais-tu refuser ça ? Au bout du compte, tu les considères plus comme ta famille que tes propres parents. Tu presses un peu son bras dans un mouvement d’affection et acquiesces.
« Bien sûr. J’irai le voir dès demain. Je ne te promets pas de résultat parce que… bah tu connais ton frère. Mais je te promets, par contre, de faire de mon mieux. »
Tu te gardes bien de lui dire, qu’en ce moment, Nysis et toi n’êtes pas dans les meilleurs termes. Il sait déjà probablement que votre relation s’est détériorée au fil des ans. Tout comme ta relation avec lui-même. Tu lui as promis de ne pas l’abandonner et pourtant te voilà ici, à ne te soucier que de tes recherches. Est-ce que Lenne sait toujours que ce n’était pas un abandon ? Et est-ce que Nysis sait que si tu viens autant l’embêter sur son lieu de travail c’est aussi pour pouvoir le revoir ?
C’est qu’il a beau ignorer si cela finira par porter ses fruits, après tout, il ne s’attend pas à ce que son frère change de position aussi radicalement sur le sujet, d’autant plus depuis qu’il a eu vent des changements de relation entre Nysis et Zef… Mais sur ce point, Lenne fait comme s’il n’était pas au courant, où comme s’il ne comprenait pas. Peut-être pour ne pas changer l’image mentale de son enfance ; pour que ce genre de petits souvenirs joyeux lui restent gravés en tête.
Un simple merci. Il n’a rien d’autre à dire de plus qu’un mot sincère. C’est qu’il est touché, Lenne, un presque sentiment de soulagement. Il aurait tellement aimé que les choses ne changent pas, qu’elles restent telles qu’elles étaient il y a plusieurs années ; au moins, n’aurait-il jamais eu à formuler ce genre de requêtes. Mais, du temps à passé, le monde a évolué, et les gens avec lui ont aussi évolué. Tout est éphémère.
Il est resté un moment à ne prononcer aucun autre mot. Et puis, finalement, Lenne vient poser sa main libre sur celle que Zef avait mise sur son bras, pour la lui retirer. Oh, ce n’est pas méchamment, c’est même plutôt délicat, et c’est surtout signe qu’il va falloir qu’il reparte, Lenne.
Et Lenne, il sait ce que ça fait de perdre quelqu’un. Il l’a trop vécu pour oublier.
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