Gargouillement.
Marchant d'un pas lourd en direction des vergers, tu bous d'une colère silencieuse. Ce qui n'avait rien d'inhabituel. D'une manière générale, quand tu as faim, tu n'es pas réputé pour ta cordialité. Mais en dépit de ce gouffre qui se crée dans tes entrailles comme une cavité qui se creuse sous des pieds, tu as ce regard inquiet posé sur Corail. Ta colère, elle n'est pas dirigée vers elle, mais vers lui.
Au moins il ne lui a pas fait de mal.
T'as dit qu'il ressemblait à quoi ce crevard déjà ? Ça doit faire dix fois qu'elle te le dit. Mais c'est comme ça, t'as besoin de l'entendre en boucle, t'as besoin de te faire une image précise de cette sous-merde. Je jure que si je le croise j'vais lui faire bouffer ses morts.
Sans doute qu'il en aurait bien besoin. Maigre que Corail te dit. Maigre à en crever, avec une peau couleur grise et des dents noirs, semblant pourri jusqu'aux gencives... sans parler de ses cheveux sales et de ses yeux d'animal mort. Tu sers le poing. Ça fait chier, imagine il clamse avant qu'on lui fasse la peau ?
À grogner comme un putain de monstre, votre arrivée aux vergers est remarquée. Tu ne songes même pas à chercher Wu du regard. Tu n'as d'yeux que pour cette faim grandissante.
T'as faim. T'as faim de tout, mais surtout de sang.
une faim à couper au couteau (ft corail&pnj)
ville | vergers | 02.10
T'as le démon. T'es une boule de colère, et depuis que t'es rentrée pratiquement bredouille de ta quête de nourriture, tu pestes, du grognes, tu râles, ça n'arrête plus. Pourtant, t'avais réussi à dénicher pas mal de trucs, un panier avec quelques fruits et légumes, certes un peu abimés mais clairement mangeables, et un sac contenant tout un tas de trucs de réserve à se mettre sous la dent … Ouais, vous auriez pu faire un vrai repas, pour une fois, vous n'auriez plus eu besoin de vous soucier de la bouffe pour quelques jours si seulement t'avais pas croisé la route de c'type.
Pourtant, tu t'es pas laissée faire, Corail, tu t'es retenue de le planter et maintenant, tu le regrettes amèrement parce qu'il a fini par se tirer avec ta bouffe, déjà, mais aussi avec ton couteau. Ton seul et unique couteau. Celui dont tu te sers pour tout, absolument tout, et sans lequel on va pas se mentir, tu te sens un peu nue maintenant. Putain, dire que t'avais tout. Dire que maintenant, vous avez tellement plus rien qu'il vous faut vous pointer aux vergers pour faire la manche, encore. Le pire, c'est que tu le sais, qu'ils sont gentils, ceux qui gravitent autour de vous, mine de rien, les deux orphelins que vous êtes sont sacrément bien entourés, mais il n'empêche que ça fait mal à la petite fierté qui est la tienne …
Et bien entendu, t'as tout raconté à Canine, alors tandis que vous marchez tous les deux pour aller jusqu'aux vergers, lui aussi, il râle, il peste.
☽ Ça me fait plaisir d'avoir un peu de visite ! Même si vous avez l'air grognons tous les deux. Il y a un problème ?
ville | vergers | 02.10
Et ça jappe et ça grogne. Vous êtes en rage, la gueule fulminante d'injures et de promesses de meurtre pour un type dont vous ne connaissez même pas le nom. Pour vous, c'est qu'un voleur, une vermine qu'il faut exterminer.
T'inquiète pour la lame, j'te prêterais un de mes couteaux en attendant. Mais j'pense qu'on peut négocier un truc chez Iftroa. balances-tu en plaçant tes mains dans tes poches, une manière à toi de ne pas étriper l'air en pensant à l'autre connard. Si elle a besoin de cailloux particuliers ou quoi, la prochaine fois qu'on partira en explo', elle aura qu'à nous faire une liste de courses.
Logique, non ? Ou on tapera du métal pour se défouler! C'est que t'as bien grandi, ces derniers temps, c'est que t'as pris en muscles et en vigueur. Sans doute que tes grosses mains pleines d'égratignures pourraient aussi se rendre utile à la forge contre un petit couteau.
Puis, petit bout de lumière dans ce début de soirée, éclairant sa maisonnette d'une lueur d'espoir, Xio. Au même instant, alors que ta colère commence un peu à s'estomper, tu lui renvoies un grand signe de bras.
Xio ! Dire son nom à quelque chose de rassurant, ainsi tu ne manques pas, malgré ta mine renfrognée, de lui décocher un léger sourire. Un crevard nous a chourré notre bouffe. lui lances-tu une fois arrivé devant lui, te retournant ensuite vers Jiji.
Il n'y a probablement rien de pire que de se faire dépouiller en ce bas monde. C'est une insulte, en plus d'être un crime grave, surtout en Ville, surtout aux limites de cette fameuse Ville où vivent ceux qui n'ont rien, ou presque rien. Et c'est votre cas, à toi, et à Canine, vous n'avez pas grand chose, la vie est des plus compliquée alors tu t'en veux Corail, tu t'en veux atrocement d'avoir laissé échapper la bouffe. Tu t'en veux parce que t'as faim, maintenant, mais aussi parce que tu entends l'estomac de Canine qui gronde lui aussi, presque en duo avec le tiens, et toi, tu te sens responsable.
T'es sacrément de mauvaise humeur, du coup, mais ça ne t'empêche pas d'esquisser un sourire quand Ez te propose une de ses lames, à lui. Tu sais qu'il y tient, tu sais qu'il en prend soin, qu'il est du genre à traîner dans les pattes de la forgeronne pour lui demander tout un tas de conseils dans ce domaine … Pourtant, comme toujours, il a assez confiance en toi. T'as beau avoir perdu la bouffe, Corail, il a toujours confiance en toi, et toi, ça t'apaise, un peu.
Et finalement, plutôt que de continuer à brailler, quand Xio apparaît à quelques mètres de vous, tu lui fais un petit signe, et puis finalement, tu détournes un peu les yeux, honteuse. Raconter ta mauvaise rencontre à Canine, ça passe, mais raconter à Xio comment on t'as piqué un sac entier de nourriture, c'est autre chose, et t'as honte.
☽ Les voleurs ont un sacré toupet, tout de même.
Il vous fait confiance et sait que ce n'était pas votre faute. Vous êtes aussi intimement persuadés que XI-0 pourrait excuser tout le monde, y compris votre voleur. Ce n'est pas sans vous inquiéter un peu.
☽ Si, si bien sûr ! Je reviens dans un instant.
Vous le voyez disparaître à l'intérieur de sa petite maisonnette, et après un peu de tintement, il vous apparait à nouveau, avec un petit panier tissé rempli de fruits clairs et un bout de ce qui ressemble à du pain. Vous n'avez pas vu de pain depuis un bon moment.
ville | vergers | 02.10
Une main, une grande main, toute simple, toute calme, toute sereine vient se poser sur l'épaule de Corail.
Canine, brute douce, essaye de rassurer Corail, douce brute.
Il n'a pas les mots et ne les aura sûrement jamais, alors il fait comme il le sent. Et là, il sent bien que son amie est dans une amertume épaisse.
Si ça avait été moi ça aurait fini pareil, t'inquiète pas va. On a vécu pire ! Et il lui décoche un sourire dont il a le secret, un sourire zébré de cicatrices mais qui n'enlève rien à ses sentiments.
Xio est là, et sa présence rassure. Mais quelque chose chagrine Canine, quelque chose de nouveau, comme une pointe de responsabilité. Canine et Corail ont toujours fait ça, depuis qu'ils sont arrivés ici, depuis qu'ils ne sont pas plus haut que des hanches d'adulte... mais le temps passe, et les enfants ne sont plus. Ils gagnent en forces et en indépendances.
Canine se dit alors que Xio et tous les autres ne seront pas toujours là pour eux.
Ainsi quand il revient, avec son panier fourni en fruits et ce succulent bout de pain, le garçon avance. Non pas pour s'y jeter dessus comme louveteau affamé, mais plutôt pour le repousser... doucement... le regarde légèrement remonté vers cette énième figure paternelle.
Qu'est ce qu'on peut faire en échange ?
Il a un de de ces regards sérieux, un regard étrange qui est rare sur le visage de Canine, mais qui - étonnamment - lui sied bien.
C'est toujours la honte au ventre que vous venez ici, réclamer, mendier. Fort heureusement, on ne peut pas dire que vous faites ça tous les jours, loin de là, nan, en fait vous avez toujours été débrouillards comme gamins, depuis toujours vous avez pris cette habitude de bosser pour gagner votre pain. Un service par-ci, un autre par là, le tout en échange d'un morceau de pain, d'un fruit ou deux, certes c'est bancal comme façon de faire, certes il y a des jours où vous avez sacrément moins que d'autres, mais au moins, vous n'avez pas le sentiment désagréable, aigre, d'être et de vivre au crochet des autres.
Et il est gentil, XI-0, il a toujours été incroyablement généreux avec vous, avec tout le monde en fait, mais ça t'emmerde toujours autant d'avoir perdu ce que tu avais gagné par toi-même. Il est pourtant alléchant, le panier garni de beaux fruits, il donne faim, le morceau de pain qui vous tiendrait sur l'estomac un bon moment … mais quand Canine s'approche, tandis que tu lorgne sur le tout, c'est pour le repousser, tout doucement. On a rien sans rien, jamais, et il est hors de question de vous habituer à la facilité, ce serait bien trop dangereux.
☽ Des rocdentias ont élu domicile dans des galeries sous les citronniers, vers les limites des vergers. Vu que c'est peu éclairé, j'évite d'envoyer les petits là dessus, mais à force de manger les racines ils vont finir par tuer les arbres. Ce serait super que vous arriviez à les déloger. Ils sont nombreux mais ceux que j'ai vu n'étais pas très gros, deux ou trois poings de large, pas plus.
Il hoche gravement la tête, posant le panier de nourriture à ses pieds. Les indésirables ont tendance à s'amasser ici.
☽ Et si possible, ne salissez pas la viande.
Vous vous doutez que même si elle n'est pas incroyable, cette viande reste une denrée rare. Après tout ces rocdentias se nourrissent plus ou moins des mêmes choses que vous, si ce n'est mieux. Il repose son regard sur toi, Corail, et semble réfléchir quelques instants.
☽ Mh, difficile à dire. Les gens vraiment malades ont généralement la décence de s'éloigner des sources de nourriture, il ne me semble pas avoir déjà croisé ces symptômes. Mais ça pourrait être lié à de la malnutrition, il me semble. J'ai vu des gamins tout maigres commencer à perdre leurs dents.
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