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Nowhere to go
Nowhere
Trop de bruit.
Je fais beaucoup trop de bruit.
Chaque souffle qui me brûle la gorge et qui sonne comme un râle jusqu'au plafond de pierre, chaque pas qui résonne dans mes oreilles aussi fort qu'une pierre qu'on éclate, rien ne va. Je fais trop de bruit.
Derrière moi, j'entends des grognements et le bruit des semelles de la bande qui veut ma peau. Je les connais pas, ils me connaissent pas, mais j'ai entendu leur conversation et me suis fait cramer. Tout ce qu'ils ont vu c'est une silhouette noire sur fond gris et deux yeux gris métal et train de les fixer. Mais ils sont quatre, alors plutôt que de fuir, ils ont lancé la chasse.
J'ai un peu d'avance, mais aucun endroit où me planquer et je commence à sentir mes jambes chauffer. Il me faut un coin où me terrer, quelque part où ils fouilleront pas après avoir perdu ma trace.
Je tourne, je cours, j'essaye de taper moins fort des talons sur le sol pour arrêter de me faire remarquer. Un coup d'œil autour de moi et je remarque que c'est l'allée mercantile.
Sauvé.
Faut prendre les petites rues pour essayer de gagner un peu d'avance, et ça marche parce que je sais où je vais et que eux, ils comprennent pas mes détours. Ça gueule, ça menace, mais ça me rattrape pas. Je saute une palissade branlante et je passe en mode furtif. Mon cœur va exploser, mais tant pis, je retiens de force ma respiration pour devenir invisible, je me courbe et je rase le mur.
Un peu plus loin, un muret effondré me donne l'appuie dont j'ai besoin pour grimper la façade arrière de la maison. Je l'écorche l'intérieur de la main en glissant alors que j'entends les chiens de chasse grogner et se mettre à tourner dans les environs. Ils savent que je suis dans le coin, ile cherchent ma trace.
Il faut que je force le volet, mais je sais comment faire pour pas le péter au passage. Hop ! Voilà que je me glisse à l'intérieur en refermant derrière moi. Entrée par effraction ? Ouais. Et en plus je me paie le culot de souffler un bon coup et d'aller m'affaler sur le lit un peu plus loin.
Je l'entends, elle va pas tarder à arriver. Si j'étais arrivé plus tard, sans doute que je l'aurais réveillée... Je prends ma plus belle pose de Don Juan et l'accueille avec un sourire ravageur.
— Hey, j'ai pensé qu'un peu de compagnie te plairait ce soir ~
Pourvu qu'elle me lance seulement une godasse et pas un truc tranchant !
Re: Nowhere to go
IF-3 pousse un lourd soupir. Le silence a beau emplir l’atelier, elle croit encore entendre l’éclat métallique du marteau contre le métal et le crachotement vaporeux de l’arme incandescente que l’on trempe dans l’eau.
Quinze ans qu’elle fait ça. Quinze ans qu’elle entend ces bruits à répétition et qu’en dépit de la chaleur et des exigences physiques de son métier, elle tient le coup. Ce serait mentir que de prétendre que sa physionomie ne l’a pas aidée mais ce ne serait pas exactement vrai non-plus : ces muscles, cette endurance, cette résistance : elle les a forgées de ses propres mains – comme toutes les armes qui l’entourent.
La pause qu’elle s’accorde est de courte durée. Pas parce qu’il lui reste des choses à faire – bien que ce soit le cas – mais parce qu’un bruit attire son attention à l’étage. Appuyée contre un plan de travail qui a passé son existence à subir des coups de marteau, IF-3 se redresse d’une impulsion. D’un regard avisé, elle vérifie que les portes de la forge sont bien fermées avant de prendre les escaliers. Le bois grince sous son poids. Si elle veut être discrète (dans sa propre demeure, oui…), autant dire que c’est raté.
Dans sa piaule – un espace tout en longueur qui lui sert à la fois de chambre, de cuisine et de salon –, elle découvre une silhouette affalée dans son lit. Elle serre les poings, juste par réflexe, quand la voix retentit.
L’envie d’arracher un de ses gants et de lui lancer à la figure reste tentante mais elle s’abstient. Elle se contente d’approcher son mètre quatre-vingt cinq de celui qui s’est invité chez elle.
Re: Nowhere to go
Nowhere
J'ai un bol de cocu, aucun objet ne vole dans ma direction. C'est encore plus surprenant que si elle avait tenté de m'envoyer son marteau dans les dents. Merci à toi, ma sauveuse, pour ta patience et ta bienveillance ! Pour la peine, je me redresse fissa pour m'asseoir sagement tout bout du lit, les pieds au sol et non sur le matelas. N'abusons pas des bonnes blagues, If pourrait m'assommer à mains nues.
— Ouais, je crois que la chance essaye de se rattraper après le sale coup qu'elle m'a fait tout à l'heure.
Entre les murs de cette baraque, je peux pas entendre ce qu'il se passe dehors, mais je sais très bien qu'ils fouillent toujours les environs. Ça va prendre un moment avant que je me sente assez en sécurité pour mettre le nez dehors et retourne fouiller dans les rues. Au moins deux ou trois heures, parce que j'apprends jamais ma leçon.
— Quatre bestiaux un peu fâchés de pas avoir remarqué plus tôt que j'étais là quand ils papotaient. Franchement trois fois rien, je te jure. Mais faut croire qu'ils ont vraiment envie de me faire la peau parce qu'ils ont pas lâché l'affaire. Je hausse les épaules. Du coup il me fallait un petit coin tranquille avant de plus avoir de souffle, tu vois...
Je me mets à genoux et avec un poil d'exagération, je joins les mains et fais l'innocent comme si ma vie en dépendait. En vérité elle en dépends un petit peu quand même.
— S'il te plaît If, j'te jure tu me remarqueras même pas. Je me tire dans quelques heures, après qu'ils en aient eu marre de chercher. Je te donnerai ce que tu veux en échange !
Re: Nowhere to go
C’est un regard appuyé qui pèse sur RE-7 ; presque le regard d’une mère porté à son enfant lorsque celui-ci lui est sur le point d’avouer une faute. IF-3 ne sait pas encore à quoi s’attendre. IF-3 ne sait jamais à quoi s’attendre avec lui. RE-7 a le don inouï de s’attirer des ennuis dans la moindre ruelle de la Ville, même la moins peuplée. Pourrait-il se faire poursuivre par des chats errants qu’elle n’en serait même pas étonnée…
Le ton est réprobateur mais pas autant que si le cœur y était. Ce n’est qu’une apparence, derrière laquelle se dissimule une réelle curiosité. Le garçon se met à genoux et dans un geste si théâtral qu’il en est absurde, il quémande la protection de la forgeronne. IF-3 lève les yeux au plafond, exaspérée. Cette fois-ci, elle ne résiste pas à l’envie de retirer ses gants et de les rassembler pour lui ficher une petite tape sur la tête. Le plastique émet un « blurhg » qui finit de donner à la scène tout son grotesque.
Elle lui laisse le temps de l’action.
If lui fiche les gants entre les pattes. Lorsqu’elle se lève, le lit émet un soupir de soulagement, comme si sa carrure lui était de plus en plus difficile à supporter.
Re: Nowhere to go
Nowhere
Les gants ne font pas vraiment mal, mais je comprends le message. Je sais que je peux rester, elle l'a déjà dit, mais ça mange pas de pain de redemander. Beaucoup disent que j'ai la gueule de quelqu'un qui prend tout pour acquit et qui aime abuser quand il en a l'occasion. Alors peut-être que c'est ce qui est écrit sur ma tronche, mais dans les faits, j'aime pas me conduire de cette façon. Rien n'est acquit. Tout le monde peut changer d'avis. Même Dame Fortune. Et ça me ferait mal de forcer la main à quelqu'un qui a bien voulu me la tendre par le passé.
— Merci, c'est sympa, je réponds avec un sourire.
Elle est pas obligée, elle le sait. Et comme je suis pas un ingrat, malgré ce que disent les mauvaises langues, je prends les gants sans rechigner et je hoche la tête en me redressant. Si le prix à payer c'est de faire un peu de nettoyage, pas de souci. C'est déjà mon boulot d'entretenir les lampes, alors un peu plus de ferraille ne me fera pas peur.
Je suis If en enfilant les gants, même s'ils sont un poil trop larges. Sa question me fait sourire discrètement : je l'imaginais pas si friande de ragots.
— Au début, rien de très passionnant. Y en a un qui s'est tapé une fille qu'il voulait depuis longtemps. J'allais me barrer quand ils ont parlé de se faire gros dès demain. T'imagines bien que je pouvais pas partir. J'ai pas tout saisi, mais apparemment il y a quelqu'un qui organiserait des combats, de temps en temps, et si tu t'en sors bien, tu peux manger à ta faim pendant un bon bout de temps. C'est à ce moment -là qu'ils ont capté que j'étais là...
Haussement d'épaules.
Je suis curieux, mais je crois que c'est plus l'information qui m'intéresse que l'événement lui-même. Me bastonner avec quelqu'un qui me cherche ou pour sauver ma peau, c'est une chose, mais le faire pour le plaisir de se prendre une mandale et peut-être gagner un truc à la fin, c'en est une autre. Mon salaire de falotier est pas folichon, mais je mange assez et j'ai à boire, donc pas la peine de risquer ma santé dans un combat organisé. Cela dit, je connais quelques désespérés qui pourraient me rendre des services en échange de cette info. Ça mérite que je fouille un peu plus là-dessus.
— Ça doit pas être un secret si bien gardé que ça, sinon y aurait pas de participants, mais je suppose que rien que le fait de se faire espionner ça leur suffit pour se sentir con. Et vouloir se venger. Si je cherche bien, j'en saurai plus dans quelques jours.
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