En attendant, Canine avait donné à Corail un de ses nombreux couteaux. Ce n'était peut-être pas le plus beau ou même le plus gros, mais le jeune homme avait choisi celui qu'il avait le mieux aiguisé. Dès lors la lame était l'une des plus coupantes qu'il lui été donné de posséder. Si jamais elle devait recroiser ce crevard de voleur, Canine espérait qu'elle utiliserait son couteau pour lui ouvrir le ventre. Une pensée revigorante qui l'accompagne jusqu'à la forge d'If.
Alors que leurs yeux c'étaient habitués à l'obscurité, un torrent de lumière, de flammes et de chaleur les enveloppèrent. Ici et là, des outils, des pièces de métal travaillées ou en attente, mais aussi des lames ou des semblants d'armures... Canine ne savait plus où donner de la tête. Au fond brulait une lumière chaude, dansante à projeter des ombres trompeuses sur tous les murs. Puis il y avait If, qui trônait comme une reine derrière sa forge, monture de femme immense que le garçon ne pensait un jour dépasser.
Salut If'!
Si Canine n'était pas parti vagabonder dans les tunnels à la recherche d'une issue, sans doute aurait-il fini forgeron. Il y avait quelque chose dans cette discipline qui avait le don de le calmer. Peut-être qu'il s'agissait de la chaleur étouffante, du contact avec le fer chaud ou des cling et des clang qui été toute une mélodie à ses oreilles.
Si proche du feu pour s'éloigner de l'eau.
Corail s'est faites voler son couteau, j'lui en ai prêté un mais, si les explorations reprennent ça serait quand même mieux qu'elle ait le sien.
Clairement, Canine n'a pas fait gaffe aux marmonnements honteux de Corail.
IF-3 n’a même pas besoin de lever les yeux. Dos aux portes grandes ouvertes de sa forge, elle reconnaît les pas de Canine et de Corail – des pas marqués, sonores et irréguliers, ceux de jeunes Explorateurs revenus bredouille d’une mission. D’un geste expert, elle retire la tige en métal du foyer et la plonge aussitôt dans la bassine froide. Un « psshhh » sonore s’en échappe, ainsi qu’une épaisse fumée diaphane. Elle s’occupera des affaires plus tard : si ces enfants sont là, c’est qu’ils ont besoin de son aide – une fois de plus.
La voix est rauque mais féminine. Certains y trouveraient un charme. Le timbre, lui, est difficile à cerner : est-ce là de l’amusement ou de la réprobation ? Ce ne serait pas la première fois que Canine et Corail viennent ici parce qu’ils ont fait quelque chose qu’il ne fallait pas.
Tu n'auras pas tenu bien longtemps. Te déplacer sans sentir le poids de ton couteau contre ta jambe est presque devenue un supplice tant tu te sens nue, en danger sans cette arme si habituelle pour toi. Certains diraient que ce n'est pas si grave, de ne pas être armée, après tout, tout le monde ne l'est pas forcément ici bas … Mais dans ton cas, Corail, tu sais à quel point c'est vital. Parce que vous êtes de ces gamins dont on ne veut pas, tu sais, tu fais partie de ces gosses qui ne sont pas d'ici, qui ont fui leur terre natale et qui ne seront jamais rien d'autres que des réfugiés dans cette ville qui à la base ne voulait pas vous accueillir. Et puis, comme pour couronner le tout, vous êtes des explorateurs, et ça fait un sacré combo sur vos petites têtes ça mine de rien, si bien que forcément, t'es assez lucide pour savoir que vous n'êtes jamais en sécurité.
Du coup, après avoir géré les problèmes de nourriture, t'as traîné Canine avec toi jusqu'à chez If', la forgeronne. Oh, elle a l'habitude de vous voir débarquer de temps à autre, elle saura probablement à l'avance que ce n'était certainement pas pour rien parce que ça ne l'est jamais, surtout quand vous êtes tous les deux. D'ailleurs, Corail, en approchant, tu te rends bien compte que la forgeronne a déjà capté votre arrivée, impossible pour vous de passer inaperçu, la discrétion, tout ça, c'est pas votre truc.
ville | forge, allée mercantile | 04.10